Le Paris d'Agnès Varda, de ci, de là au musée Carnavalet en juillet 2025

Très plaisante expo sur cette artiste attachante :


Le Paris d'Agnès Varda de-ci, de-là
Photographe, cinéaste, artiste visuelle, Agnès Varda disait : « Je n'habite pas Paris, j'habite Paris 14°. » Pendant près de soixante-dix ans, de 1951 jusqu'à sa mort, le 29 mars 2019, elle réside à la même adresse, au 86, rue Daguerre (un des inventeurs de la photographie), dans un îlot protégé, entre la place Denfert-Rochereau et la gare Montparnasse. Ce site atypique - deux boutiques et leurs dépendances liées par une cour à ciel ouvert - est à la fois un lieu de vie et de création. Il abrite d'abord un studio de prise de vues, un laboratoire et une cour, où l'artiste rencontre, se raconte, photographie et filme - elle y accroche même sa première exposition en 1954. En s'appuyant essentiellement sur le fonds photographique d'Agnès Varda et les archives de Ciné-Tamaris, cette exposition, riche de cent trente tirages, dont beaucoup inédits, met en valeur l'œuvre photographique encore méconnue de l'artiste et révèle le rôle de la rue Daguerre dans sa création. Des extraits de films, longs et courts, certains inédits ou inachevés, interrogent aussi la façon dont Agnès Varda représente, hors de son fief, un Paris invisible pour des yeux pressés. Son œuvre, qui navigue « de-ci, de-là », fait merveilleusement dialoguer documentaire et fiction, associe légereté et noirceur, humour et étrangeté, féminisme et attention aux marges. La photographie et le cinéma ont toujours été mêlés aussi, contribuant à construire une figure emblématique de l'art au tournant du 21° siècle.

Aller de-ci, de-là
Agnès Varda a eu trois vies souvent entremêlées : celles de photographe, cinéaste, puis artiste visuelle. L'exposition explore les liens tissés avec Paris, où elle a vécu de 1943 à 2019. Le parcours chemine dans son œuvre, de-ci, de-là, comme le faisait Varda dans son art. Il révèle son goût pour le jeu et l'étrangeté, inspiré par le surréalisme. Varda joue avec les images et avec les mots. Ce carnet rempli de noms de stations de métro en est un bon exemple. En entourant quelques lettres, l'artiste fait surgir un autre mot. La confrontation entre les deux termes est inattendue, drôle ou poétique

Avant la rue Daguerre
Née à Bruxelles, ayant habité à Sète (Hérault) pendant la guerre, Agnès Varda découvre Paris sous l'Occupation en 1943 à l'adolescence. Elle trouve la ville inhumaine et triste. Après des cours à l'École du Louvre, elle choisit d'être photographe, un métier qui lui permet de concilier des activités intellectuelle et manuelle. Alors qu'elle prépare son CAP, elle partage un appartement près de Pigalle avec trois autres jeunes femmes. Ses colocataires sont ses premiers modèles et les quais de Seine ses premiers paysages parisiens. En 1950, elle s'inscrit au registre des métiers comme maître artisan photographe. À côté de travaux alimentaires, notamment des portraits, elle commence à construire une œuvre, marquée par l'influence des surréalistes et de Valentine Schlegel, qui l'incite à chercher la beauté sous des formes aussi surprenantes qu'inattendues. Sa photographie d'une tête sculptée posée sur la margelle d'un puits devient le Noyé. Ses images qui cultivent une forme d'étrangeté - la marque Varda - sont déjà remarquées dans des expositions collectives.

Dominique Vilar au parc
Montsouris, 13 juin 1948
Tirage gélatino-argentique
Succession Agnès Varda
Dans le parc Montsouris, proche de sa future maison de la rue Daguerre, Agnès Varda photographie les enfants de Jean Vilar, directeur du Festival d'Avignon, et Andrée Schlegel, soeur aînée de son amie Valentine. Elle connaît bien ces enfants qu'elle garde en l'absence de leurs parents, avant de profiter d'échanges intellectuels précieux avec ces derniers à leur retour le soir. Elle affectionne particulièrement le portrait de Dominique Vilar, dont elle présentera un agrandissement dans l'exposition « Vision des jeunes » à la Société française de photographie, en 1950

Stéphane Vilar au parc Montsouris,
13 juin 1948

Yayou et ses toiles, atelier Pigalle,
mai 1949

Autoportraits, 12 mai 1949

Autoportrait, 1950
Cet autoportrait à la tonalité sombre est très élaboré dans sa conception. La jeune photographe s'est maquillée afin d'accentuer ses traits, notamment les cernes et le dessin de sa mâchoire. Elle a ajouté un peu d'épaisseur à son cou et dessiné une lèvre claire et l'autre foncée pour suggérer un effet d'ombre. Elle arbore une coupe au bol très stricte qui sera sa signature toute sa vie. Le tirage est collé sur Isorel, un panneau de fibres de bois qu'Agnès Varda affectionne particulièrement pour exposer ses œuvres.

La cour-atelier de la rue Daguerre
La cour-atelier de la rue Daguerre
En janvier 1951, dans le quartier de Montparnasse habité par des artisans et artistes, les parents d'Agnès Varda lui achètent deux boutiques à l'état de taudis, séparées par une cour-ruelle. Avec sa compagne Valentine Schlegel, elles s'installent côté épicerie. Un ancien atelier d'encadrement devient un laboratoire photographique pour Agnès. À l'étage, un atelier de dorure est aménagé en studio de prise de vues à la lumiere du jour. L'ancienne boutique de l'encadreur est transformée en atelier de céramique pour Valentine, et son prolongement en un petit logement où Agnès Varda accueille un couple de réfugiés espagnols, la famille Llorca. Deux autres voisines partagent l'intimité de la cour par l'intermédiaire d'une fenêtre. Cet espace de vie et de rencontre devient d'emblée un lieu privilégie de création à ciel ouvert : une cour atelier. Agnès Varda y photographie ses voisins et des amis artistes ainsi que de nombreux jeunes comédiens de théâtre à la recherche de portraits naturels. Elle y organise même une exposition de ses œuvres et y tourne quelques plans raccords de ses premiers films.

Non identifié court métrage 



Mes voisines, 1954

Enveloppe adressée à Agnès Varda, 1957

Alexander Calder, printemps 1952 

Drôles de gueules, printemps 1952
Tirages gélatino-argentique contrecollés sur carton Succession Agnès Varda.

Drôles de gueules, printemps 1952
Pour sa deuxième participation au Salon national de la photographie, à la Bibliothèque nationale, en octobre 1952, Agnès Varda expose quatre tirages rassemblés sous le titre Drôles de gueules. Elle transforme en visages des chaises déglinguées et fait de même avec une bouteille retournée, l'avant d'un vieux tacot et une tuyauterie usagée. Elle se fait remarquer dans le genre cocasse. Le 3 novembre 1952, le magazine Marie-France publie deux Drôles de gueules pour évoquer l'exposition.

La cour sous la neige, 1958

Nu 1 (la noix), 1954

Nu II, 1954
Mardi gras, jardin du Luxembourg, 1953

La cour et l'atelier du 86, rue Daguerre, photographiés par Agnès Varda et quelques complices, 1951-1959

Valentine Schlegel avec une de ses sculptures dans la cour, juin 1959

Portraits aux ailes d'ange: Agnès Varda, Valentine Schlegel et deux autres personnes non identifiées, 23 novembre 1955

Derrière l'appareil
Agnès Varda aménage son studio au-dessus de l'atelier, sous une verrière. Elle bénéficie ainsi de la lumière naturelle, pour elle la plus belle qui soit. Le sol est en parquet. Le mur du fond est orné de deux ailes d'anges en bois doré, prétextes à des mises en scène avec ses amis. Un banc, un tabouret et un rocking-chair sont mis à disposition des modèles. Une peinture abstraite d'André Borderie trône sur un chevalet, un mobile d'Alexander Calder est accroché au plafond. Dans ce décor, Varda photographie ses proches, sobrement et sans artifice, puis des comédiens en quête de portraits à la lumière naturelle.

Drôle de Paris
Tout au long des années 1950, l'activité principale d'Agnès Varda est liée à celle de Jean Vilar - directeur du Festival d'Avignon depuis 1947 puis du nouveau Théâtre national populaire à partir de 1951. Elle documente l'activité de la troupe dispositifs scéniques, maquettes de costumes, répétitions, comédiens en civil, représentations, etc. Dans ce cadre inspirant, elle rencontre de nombreux artistes, dont Alexander Calder. Sa réputation de photographe de théâtre lui vaut des commandes pour des reportages et des portraits, dont certains sont publiés dans la presse. Les rues de Paris s'offrent comme un décor privilégié. Dans ses images, l'artiste fait cohabiter drôlerie et étrangeté, allant parfois jusqu'à une forme de noirceur. Varda n'hésite pas à faire poser le photographe Brassaï devant un mur décrépi, le cinéaste Federico Fellini dans les éboulements des anciennes fortifications de Paris, et l'actrice Giulietta Masina devant une boutique portant le nom de son personnage dans La Strada.

Maurice Jarre, 1952
(Compositeur, notamment pour le Théâtre national populaire de Jean Vilar)

Les enfants Vilar allant à l'école,
15 mars 1951

Le Cid (Gérard Philipe) dans l'ascenseur du TNP, 1952 (Palais de Chaillot, Paris 16º)

Alexander Calder, octobre 1954
(Artist, 16 rue Rémy-Dumoncel, Paris 14°

Fellini à la porte de Vanves, mars 1956
Tirage gélatino-argentique contrecollé sur carton Succession Agnès Varda
Venu à Paris pour y présenter son film La Strada, le réalisateur Federico Fellini accepte le projet de portrait d'Agnès Varda. Elle vient le chercher avec sa 4 CV à l'hôtel Raphaël, à quelques pas de l'Arc de triomphe, et l'emmène jusqu'à la porte de Vanves dans les éboulis des anciennes fortifications puis, porte d'Orléans, dans les décombres d'une fête foraine. Fellini émerge des pavés et se prête à d'autres calembours visuels qu'affectionne Varda. Elle se souvient d'un Fellini « calme, souriant et patient »


Anna Karina, le jour de son mariage avec Jean-Luc Godard,
3 avril 1961
(Rue Chambiges, Paris 8°)
Tirage gélatino-argentique
Succession Agnès Varda
Le 3 avril 1961, en compagnie de Jacques Demy et sa fille Rosalie, Agnès Varda assiste au mariage de Jean-Luc Godard et Anna Karina. La célébration rassemble juste quelques invités triés sur le volet. Les deux couples sont en effet très proches. Après des images classiques à la sortie du temple, Agnès Varda fait poser Anna Karina seule devant le restaurant italien Le Stresa, puis avec Rosalie. Ces images d'apparence intimes sont publiées le 15 avril 1961 dans Jours de France

Académie de la Grande-Chaumière, 1956
(Rue de la Grande-Chaumière, Paris 6º)
Photo-écriture
1956 Reportage sur l'académie
de la Grande-Chaumière et l'académie Julian.
Sujets d'illustration pour le mensuel Réalités 
Reconnue pour ses portraits de comédiens et d'artistes, Agnès Varda publie également des reportages aux sujets aussi hétéroclites qu'originaux. En 1955, elle imagine un conte : une petite fille déguisée en ange déambule près de l'église Saint-Sulpice sous les regards surpris et méfiants des passants. L'année suivante, pour la revue Prestige français, elle raconte, au moyen d'images légendées, l'enseignement artistique délivré à l'académie Julian et à la Grande-Chaumière (Paris 6). La forme est classique mais sa photographie d'un mannequin en bois et tissu, déglingué et effrayant, donne une couleur inquiétante à l'ensemble. Varda collabore par la suite avec le mensuel Réalités qui lui commande des sujets particulièrement ardus, à savoir illustrer un concept : l'influence de la mode littéraire sur le comportement amoureux ou ce que les chansons révèlent de nos aspirations. Alors qu'elle a réalise à 26 ans son premier long métrage, La Pointe Courte, et plusieurs films courts, Agnès Varda continue d'explorer les écritures photographiques.


La jeunesse influencée par la mode littéraire, mai 1959 
Tirage gélatino-argentique Succession Agnès Varda
Variante de l'image publiée dans Réalités n° 163, août 1959, avec la légende suivante : «La Jeunesse vraiment moderne est lucide et sentimentale. Libre, elle ne recherche pas l'érotisme expérimental et, ayant vécu dans le sein de la prospérité, ne songe pas uniquement à assouvir des besoins de luxe refoulés: comme pour les adolescents de Blue Jeans, de Jacques Rozier, le scooter n'est qu'un moyen pour "baratiner" et non une fin en soi ou un instrument à étouffer les complexes

Germaine Richier, mars 1956 (Sculptrice, dans son atelier

Eugène lonesco, théâtre
de La Huchette, décembre 1955

Brassaï, décembre 1954
(16-18, rue Cels, Paris 14º)

Albert Plécy et Agnès Varda
« Le salon permanent de la Photo »>, Point de vue-Images du monde, n° 490, 1er novembre 1957

Cléo et les fiancés
Dans son long métrage, Cléo de 5 à 7, Agnès Varda s'affranchit des codes cinématographiques. Vers la fin de ce film au climat dramatique, qui montre la peur du cancer chez Cléo, elle introduit un court métrage muet et burlesque : Les Fiancés du pont Mac Donald. Paris est ainsi le décor de ces deux récits distincts. Le trajet de Cléo, commencé rue de Rivoli, rejoint rapidement les rues animées de la rive gauche et croise quantité de visages. Les fiancés évoluent, quant à eux, dans un décor industriel, rive droite, à proximité du canal de l'Ourcq, entre ponts, bateaux, quais et entrepôts.

Corinne Marchand (Cléo) au café Le Dôme, pendant le tournage de Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda, 1961
La ville en écho
Cléo de 5 à 7, film majeur d'Agnès Varda, est un portrait de femme inscrit dans un documentaire sur Paris. En quatre-vingt-dix minutes, de «< cinq heures à six heures et demie », le film suit en temps réel les déambulations et l'évolution psychologique de Cléo, belle chanteuse de petit renom, affolée par la peur du cancer qui se superpose à celle de la grande ville. Avant d'arriver au parc Montsouris, refuge de nature dans le 14° arrondissement, Cléo sera passée devant des bateleurs menaçants et aura croisé des consommateurs indifférents au café Le Dôme (Paris 14). Vers la fin de Cléo, Agnès Varda insère un film burlesque, Les Fiancés du pont Mac Donald, tourné sur le canal de l'Ourcq, dans le nord de Paris. Un jeune homme amoureux, interprète par Jean-Luc Godard, voit la vie en noir quand il porte des lunettes noires. Lorsqu'il les retire, tout s'éclaircit. En 1967, afin d'évoquer la guerre au Vietnam, Agnès Varda filme à nouveau Paris à l'unisson des sentiments qui traversent son personnage. Une mère de famille, dans une panique mentale finit par confondre la démolition de vieux quartiers parisiens avec un bombardement américain sur Hanoi.

La cour des années 1960
Devenu le compagnon d'Agnès Varda, le cinéaste Jacques Demy s'installe rue Daguerre en 1959. Les espaces de vie et de travail pour le couple et pour Rosalie, la fille d'Agnès, sont reconfigurés à la faveur de travaux. La cour accueille d'autres personnalités, notamment liées au cinéma, mais reste un lieu privilegié de rencontres et, pour la photographe, un espace de prise de vues en plein air. La cinéaste, tout juste auréolée du succès de Cléo, se prête à une séance de photographie de mode sous l'objectif de Frank Horvat (1962). De son côté, elle y représente des acteurs en lien avec des projets de films non tournés ou inachevés comme La Mélangite (1961) ou Christmas Carole (1966). Elle y fait poser Delphine Seyrig révélée dans L'Année dernière à Marienbad (1961) et prend des «< photos-souvenirs » de Catherine Deneuve lors d'essais de coiffure pour le film de Demy, Les Parapluies de Cherbourg (1964). La cour de la rue Daguerre sert encore de cadre à un plan raccord de son film Les Créatures (1965) et à deux séquences de Nausicaa (1970, inachevé)

Iris Bianchi habillée en Simonetta
et Fabiani avec Agnès Varda 1962

Jacques Demy dans la cour,
années 1960

Delphine Seyrig, mars 1961
Tirage gélatino-argentique
Succession Agnès Varda
En 1961, le mensuel Réalités commande à Agnès Varda un portrait de Delphine Seyrig, révélation de L'Année dernière à Marienbad, d'Alain Resnais, pour illustrer un article signé Alain Robbe-Grillet, le scénariste du film. Afin de traduire la complexité du personnage, Agnès Varda joue avec un portrait en noir et blanc de l'actrice réalisé par le photographe de plateau Georges Pierre. Elle dédouble ainsi son visage et va jusqu'à le répéter trois fois.


Gérard Depardieu dans la cour, 1966

Rosalie avec le portrait de
Delphine Seyrig, 1961

Anne-Marie Edvina, avril 1961
Tirage gélatino-argentique
Succession Agnès Varda
Agnès Varda fait partie des trente photographes invités à réaliser un portrait d'Anne-Marie Pericoli, dite Edvina, jeune mannequin de 21 ans, choisie pour la "symétrie de son visage" (New York Herald Tribune). Les images sont exposées en 1961 à la Bibliothèque nationale, dans le cadre de la seule et unique édition du Salon international du portrait photographique. Dans un ensemble où chaque portrait semble en dire plus sur le photographe que sur le modèle, Agnès Varda, comme Édouard Boubat, évoque le thème de la maternité.

Des femmes, des gens
Après le succès de Cléo de 5 à 7, Agnès Varda écrit d'autres rôles de femmes. Paris est la ville où se joue leur émancipation. Le film L'une chante, l'autre pas (1977) s'ouvre avec l'atelier d'un photographe rempli de portraits de femmes en noir et blanc au regard resigné et triste, avant que la cinéaste filme en couleurs deux femmes à la conquête de leur liberté. Dans ses films comme dans ses photographies, Agnès Varda privilégie les gens modestes et ceux auxquels on prête peu d'attention. Dans L'Opéra-Mouffe (1958), tourné dans une rue Mouffetard marquée par la misère, la vieillesse et l'alcoolisme, elle établit un rapport plastique et mental entre les étals de nourriture et son ventre de femme enceinte, entre une population désesperée et l'espérance de mettre un enfant au monde. Dans Daguerréotypes (1975), elle fait parler ses voisins commerçants de la rue Daguerre, travaillant souvent en couple. Nés en province, ils sont tous arrivés à Paris par la gare Montparnasse

Agnès Varda,
assistée de Laurent Sully-Jaulmes
Femmes. Photographies
de Jérôme X... personnage du film L'une chante, l'autre pas, 1976
Pour le film L'une chante, l'autre pas, Agnès Varda reconstitue la boutique d'un photographe remplie de portraits de femmes dans lesquels ce dernier projette sa propre angoisse. À la manière et en hommage au photographe Bernard Poinssot, qui tenait boutique rue Dauphine, Varda réalise avec l'aide de Laurent Sully-Jaulmes une série de portraits de femmes au regard triste. Cette série en noir et blanc est exposée en 1977 à la galerie parisienne Contrejour puis intégrée en 1987 à la rétrospective Varda à la galerie du Château-d'eau, à Toulouse.

Jane B. par Agnès V. (photogramme), 1986-1987

Robert Picard
Gisèle Halimi et Agnès Varda, pendant le tournage de L'une chante, l'autre pas, 15 mai 1976

Ange de la rue de Turbigo, janvier 1984


Affiche du film Daguerréotypes (1975) d'Agnès Varda, 1978
Le film Daguerréotypes a d'abord été diffusé en Allemagne sur la ZDF, le 24 juin 1975, puis en France sur TF1, le 29 novembre 1976. La première projection publique eu lieu en plein air dans la cour de la rue Daguerre, autour du 14 juillet 1975. Pour sa sortie en salle à Paris, au cinéma L'Épée de bois, le 28 février 1978, Agnès Varda confectionne une affiche à partir d'une photographie de Claude Nori et de ses propres photographies de tournage en noir et blanc.

L'Opéra-Mouffe
En février 1957, Agnès Varda photographie les personnes qui animent le marché de la rue Mouffetard, quartier alors très pauvre. Elle colle ses tirages dans un grand cahier noir qu'elle intitule « L'Opéra-Mouffe pour un projet de livre-disque qui ne voit pas le jour. >> : une maquette En 1958, alors qu'elle est enceinte, Varda retourne rue Mouffetard et réalise un court métrage, fixant dans la rue des visages souvent abîmés. Elle filme aussi ses photos de « clochards », comme elle le dit, prises l'hiver précédent dans le même quartier. Ce travail témoigne de l'intérêt qu'elle porte aux gens, y compris les plus marginaux.

Le Breton dit la Marine,
février 1957
(Rue Saint-Étienne-du-Mont, Paris 5º)

Le Refuge, février 1957

Marcel la cloche, février 1957 (Rue Saint-Étienne-du-Mont, Paris 5º)

Place de la Contrescarpe, 1957
Tirage gélatino-argentique contrecollé sur carton Succession Agnès Varda

Épicier tunisien, 1975

Les Plages d'Agnès (photogramme)

Collier Schorr
Agnès Varda, 22 juillet 2018
(Séance pour Interview magazine, n° 521, septembre 2018)

JR
Le Pied de nez d'Agnès, 2017 (Affiche LUMA Arles, 2023)
En mars 2015, avant de tourner ensemble Visages, Villages, l'artiste JR accueille Agnès Varda dans son studio. Il l'invite à poser de profil devant un agrandissement à l'échelle un de son autoportrait réalisé à Venise en 1960. Agnès Varda fait un pied de nez au visage de sa jeunesse. En 2023, afin de lui rendre hommage, JR détoure le visage de 2015 et le transforme en affiche noir et blanc qu'il colle sur la porte du 86, rue Daguerre. Il photographie l'ensemble pour en faire une nouvelle affiche.

Nini, la chatte d'Agnès Varda, 2019
Sculpture puis tirage en résine et patine de Gilles Nicolas, 2019-2024
Succession Agnès Varda
Nini sur son arbre, une installation imaginée pour le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, en mars 2019, est la dernière œuvre d'Agnès Varda : « Un tronc d'arbre en souvenir d'un arbre coupé dans ma cour, sur lequel la chatte Nini s'était installée en reine du jardin. » La sculpture originale du chat, réalisée à partir de matériaux divers (bois, cire, éléments métalliques, résine
à modeler...), a été moulée puis tirée en résine et patinée. En juillet 2019, la Fondation Cartier, à Paris, a installé dans son jardin l'arbre de la cour de la rue Daguerre surmonté d'une Nini en bronze.


La cour-jardin
Au début du 21° siècle, Agnès Varda passe du statut d'artisane de la photographie et du cinéma à celui d'icone de l'art contemporain, confirmée par sa présence, en 2003, à la Biennale de Venise.
Ses préoccupations féministes et écologistes préfigurent celles d'aujourd'hui. Pour se représenter et se raconter, l'artiste s'affiche de plus en plus dans la cour-atelier devenue cour-jardin. Elle reçoit des journalistes, se filme en menant la conversation avec Jane Birkin, le glaneur Alain L., les artistes JR, Annette Messager, etc. Les plus grands photographes viennent tirer son portrait. De dos ou cachée derrière un manteau de poils rouges, Agnès Varda est immédiatement identifiable, jouant de sa petite taille, de sa coiffure à la Jeanne d'Arc et de ses cheveux bicolores. Elle n'est plus seulement associée à la rue Daguerre mais à cette cour qu'elle a habitée pendant près de soixante-dix ans, témoin des multiples évolutions et réinventions de son œuvre.

Visages Villages (photogramme) : la chatte Nini sur son arbre, Agnès Varda et JR dans la cour, 2015-2016

Anonyme
Agnès Varda photographiant Jane Birkin dans la cour, 1987 (Séance en vue du tournage du film Jane B. par Agnès)

Martine Franck
Agnès Varda, 1983
Tirage gélatino-argentique
Fondation Henri Cartier-Bresson
Martine Franck / Magnum Photos



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